Avril 2008
par Véronique Godé

 

Entrez dans Exit

A l'occasion du festival Exit à Créteil, tour d'horizon en textes et en vidéos des arts électroniques qui embras(s)ent la scène, s’invitent dans la danse et/ou brouillent les pistes du spectacle vivant.

 

Immersion : action de plonger dans un liquide ; se dit aussi d'une planète qui entre dans l'ombre d'un astre, ou encore d’un microscope avec lequel on observe les objets à travers une goutte d'un liquide de même indice de réfraction que celui de l'objectif.
Au festival Exit, pas de casque de réalité virtuelle ou d’harnachement de capteurs multisensoriels, pour s’immerger. En revanche, expérimentation et dimension sonore tiennent lieu de vecteurs essentiels, dans ces œuvres qui, par la mise en scène esthétique de savoirs scientifiques, nous invitent à la réflexion. " Un art radical et totalement neuf", comme l'indique dans notre vidéo Didier Fusiller président du MAC de Créteil:

 

France Cadet et les Hunting trophies

Animal de compagnie ou dérive électronique ? France Cadet plasticienne aux antennes cybernétiques (qui gouverne qui ?) s’interroge sur les rapports que nous entretenons avec nos ‘robots’ et plus largement sur les limites de la science, de l’eugénisme aux effets délétères du clonage.

Une première installation Do robotic cat dreams of electric fish rend clairement hommage à Philippe K.Dick (Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques) : assis devant un écran de télévision, un chaton électronique au comportement troublant de vérité contemple le poisson de Disney, Némo, sur un écran de salon. « No comment ! »

Dans une nouvelle pièce, Hunting Trophies, onze trophées cybernétiques à la plastique rutilante, témoignent avec suspicion du triomphe de l’homme sur la nature sauvage, connectant -dans un dernier râle vindicatif - l’esthétique bourgeoise du tableau de chasse au kitch électronique érigé comme éthique du progrès. Jugez plutôt :

 

Camera Lucida et la "sonoluminescence"

Mais pourquoi le duo d’artistes chercheurs Camera Lucida a-t-il planché pendant cinq ans, pour trouver le dispositif capable de révéler la sonoluminescence en public ? Parcequ’elle nous ramène à la face cachée du monde et à l’infini. « L’expérience doit d’être réalisée dans l’obscurité totale, et le noir n’est pas si simple, confirme Dmitry Gelfand, avec philosophie ». Ce phénomène physique ‘naturel ’ a priori invisible et découvert en 1934, consiste, en laboratoire, à faire exploser des micro bulles de gaz contenues dans un liquide, de -l’eau plate par exemple - par l’envoi d’ultrasons contre la paroi du bocal. Les variations de fréquence produisent des réactions lumineuses que seule la rétine perçoit.

Paul Friedlander et la courbure du temps

Montrer l’invisible, comme la courbure du temps ou en nier l’existence même, sans être obligé d’en faire la preuve, telle est l’intention du Britannique Paul Friedlander figure emblématique de l’art cinétique. S’inspirant des lectures du physicien Julian Barbour (The End of time), Friedlander transforme ses intuitions -le temps n’existe pas- en sculptures de lumière, Timeless universe, dont les reflets, improbables modèles mathématiques ou véritables hiéroglyphes sont projetés en temps réel sur « des cordes » mobiles géants, comme au sol. Une installation inédite de six pièces monumentales dont certaines suivront leur cours à Barcelone, s’offre ici à la méditation.

Synthetic performances dans Second life

Totalement déroutant, les tableaux de lycra du plasticien-physicien Alvaro Cassinelli, Kronos Projector, sont une autre allégorie de notre perception du temps : une pression tactile sur la surface élastique de l’écran ne déforme pas seulement l’image arrêtée d’une rue de Tokyo, ou la nature morte d’un lys, elle révèle un déplacement spatio-temporel comme s’il s’agissait d’une action compressée dans la mémoire du tableau.

À découvrir également, le spectacle des New yorkais Temporary Distortion (Kenneth Collins et William Cusick) Welcome to nowhere, un road movie non linéaire entre théâtre, installation et cinéma expérimental, sur la fragmentation de la mémoire. Totalement contemporaines, les Synthetic performances, d’Eva et Franco Mattes dans le monde virtuel de Second life, ou formellement avant-garde, le film de Manu Luksch, Faceless, un long métrage de science-fiction, sur l’identité, entièrement réalisé à partir d’images issues de caméras de surveillance (a CCTV movie), déjà remarqué pour l’originalité de son traitement et la pertinence de son propos à Beaubourg ce week-end, lors du 3ème festival Hors-pistes.

Equalize me de Charles Carcopino

Retour à la peinture sous une autre forme d’immersion : Kill the Ego, nous fait vivre par une projection géante, la réalisation d’un tag, ou d’une fresque en temps réel, sur les murs de New York. Suivre le geste du peintre urbain Rostarr, dans ses déambulations « graphysiques », entendre résonner la voix du MC (maître de céromonie) et puis s’oublier, en s’imprégnant des rumeurs de la ville, par la bande sonore de Dug Winningham, et du pionnier des parcours « Soundwalk », (ballades audio pour ipod), Stephan Crasneanscki. Décollage assuré, un allez simple pour NYC !

Entrer dans la boîte noire de Charles Carcopino, originellement conçue pour un spectacle de danse de Bianca Li, et se faire traverser par une onde, un brouillard, Equalize me, sur un crescendo répétitif, obsédant, anxiogène ou totalement jubilatoire de François-Eudes Chanfrault.

S’offrir le luxe d’un concert acousmatique pour six hauts parleurs du compositeur Jost Muxfeldt, Audio Kinematics, et se laisser troubler encore une fois par le rapport synesthésique du son et de l’image, ou bien jouer : composer de façon intuitive une partition collective, en déplaçant des petits galets de couleur sur la table interactive, Reactable , du Music Technology Group de Barcelone. Une expérience ludique qui nous repose encore une fois la question de l’interface : pourquoi toujours piloter des icônes, assis, près d’une souris ?

Entre design, architecture, et installation sonore, Halbzeug, la sculpture aux allures d’origami, s’accorde, elle aussi, au tempo. Conçue par le duo Visomat Inc pour leurs amis DJ et VJs berlinois, elle est ici adaptée, pour que petits et grands puissent piloter le son à l’aide de deux mini tablettes graphiques, en guise de platines. Un ovni, qui résume assez bien la convergence et l’hybridation des genres que les arts dits électroniques affectionnent et stimulent.

EXIT C'est ainsi que Didier Fusiller directeur de la maison des arts de Créteil présente le festival Exit dans notre entretien vidéo. Des trophées de chasse robotiques de France Cadet aux performances effectuées dans Second Life des New yorkais Temporary Distortion Flu vous propose un tour d'horizon en textes et vidéos du meilleur des arts nuémriques. Exit s'achève dimanche à la maison des arts et cultures de Créteil. ">www): la mise en scène de savoirs scientifiques par le spectacle vivant et les arts plastiques. (jusqu'au 6 avril). Pour la rituelle soirée de clôture de festival la nuit SUPER (3), samedi 05 avril-, le label newyorkais DFA aux graphistes de Bowling club, et autres VJs, une scène nationale prendra des allures de rave party.

 

Article en ligne sur le site de Fluctuat.net